Le temps des Justes
8 "Justes parmi les Nations" sont agathois
La Médaille des "Justes parmi les Nations" est remise par l'institut Yad Vashem aux personnes qui ne sont pas elles-mêmes juives et qui ont sauvé des Juifs au péril de leur vie, pendant la seconde Guerre Mondiale. Avec cette devise biblique : "quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier".
Huit Agathois, sur les 8 000 habitants que compte alors la population de la ville, ont été décorés de cette médaille par l’Institut commémoratif des martyrs et des héros à Jérusalem, Yad Vashem, grâce à des témoins comme David Blum, un jeune réfugié belge d'origine juive qui fut sauvé avec son jeune frère par le pâtissier agathois Achille Bautes, lequel les cacha deux semaines dans sa "cosse", 18 impasse de Bel-Air au Grau d’Agde.
Les huit Justes d'Agde se nomment : M. Achille Bautes – M. et Mme Joseph Joly – M. et Mme Paul Carausse et leurs enfants : Louis et Nicole – et M. Jean Pallarès. Aujourd’hui, seuls Louis et Nicole sont encore là pour témoigner.
Les sept premiers ont sauvé des Juifs en les cachant, à partir des grandes rafles des 25 et 26 août 1942. Le huitième, alors jeune secrétaire général de la mairie, aidera des Juifs devenus clandestins, comme il aide ses concitoyens. Avec de faux papiers, des cartes d’alimentation, des services. En détruisant aussi par le feu, dans son bureau de la mairie, tous les papiers administratifs concernant les Juifs réfugiés d’Agde. Avec la complicité d’autres employés communaux (notamment Jean Nouguier, Paul Delrieu, M. Arribat, le garde Antoine Parouty et Mme Valat), il accomplira d’ailleurs en toute discrétion bien d’autres actes dangereux.
Chez les Carausse, la résistance au nazisme et à la barbarie était une affaire de famille. Malgré le danger, ils hébergèrent ainsi, dans leur appartement de la place des Aires, le jeune Léon Kowarski, Juif d’origine polonaise entré en France en 1936. Du 25 septembre au 30 décembre 1942, ils s’en occupèrent comme d’un membre de leur famille avant de le confier à une filière d’évasion, quand la côte méditerranéenne fut occupée par les troupes allemandes. C’est Louis Carausse, son "copain" (Léon avait en effet à peine deux ans de plus), qui fut chargé de cette mission.
Le patronyme de chacun des Justes agathois est désormais inscrit au Panthéon et sur le Mur d’honneur du Jardin des Justes à Yad Vashem à Jérusalem. C’est la distinction suprême décernée par l’Etat d’Israël à des non-Juifs afin de leur signifier la reconnaissance du peuple juif.
Histoire du camp d’Agde
C’est en février 1939 qu’est construit à Agde, par les réfugiés espagnols eux-mêmes, ce qu’on appellera le camp des Catalans (car 80 % des réfugiés étaient originaires de Catalogne).
Ce camp était situé sur le terrain militaire jouxtant la caserne des gardes-mobiles, à l’emplacement exact de l’actuel collège René Cassin. D’une superficie de 30 ha, ceinturé par une barrière de fils barbelés, il pouvait recevoir jusqu’à 24 000 personnes. Il comprenait 250 baraques, dont un tiers était réservé aux services divers (intendance, cuisines, infirmerie…) et était surmonté d’un mirador.
Sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur, le camp était surveillé par les tirailleurs sénégalais. Un premier convoi de 7 278 personnes y arriva le 1er avril. Il fut suivi de deux autres, les 1er et 15 mai, qui amenèrent 17 016 personnes supplémentaires.
Après les Espagnols, d’autres populations prirent le chemin de l’exil et séjournèrent au camp d’Agde, lequel passa sous contrôle du Ministère de la Guerre : 11 000 militaires tchèques (de septembre 1939 à juin 1940), 4 000 appelés des centres de recrutement de l’armée belge (entre mai et août 1940), 3 300 travailleurs indochinois volontaires pour travailler en France (à partir de septembre 1940) puis 1 883 Juifs issus de 18 nationalités, jetés sur les routes de l’exode et qui se retrouvèrent au camp d'Agde de septembre 1940 à août 1942. Les derniers occupants seront dispersés avec l’arrivée des Allemands en novembre 1942.
Une rue, trois stèles et un monument,
pour ne pas oublier…
Aujourd’hui, une rue rappelle à tous son existence. Créée derrière le collège René Cassin, reliant l’avenue Paul Balmigère à l’avenue Jean Moulin, elle se situe sur l’emplacement même du camp, parce que c’est un site important pour la mémoire collective de la ville et a été inaugurée le 10 décembre 1999.
C’est là qu’aujourd’hui se tient la cérémonie qui commémore la Journée nationale de la célébration des Justes, au pied de la stèle où les quatre patronymes des Justes agathois sont gravés à jamais. Deux autres stèles figurent à ses côtés. La première est dédiée à la mémoire des Juifs victimes des persécutions de Vichy et notamment les 41 Juifs des "Groupements de Travailleurs Etrangers" du camp d’Agde, transférés à Drancy le 25 août 1942 puis déportés à Auswitch par le convoi n°25 du 28 août 1942. La seconde, plus ancienne et de taille plus importante, rend hommage aux martyrs des camps de concentration. Erigée à l’initiative de la Municipalité Lapeyre, elle était auparavant située square Jean Félix.
Toutes trois témoignent qu’ici, en 1942, il n’y avait non un collège ou un gymnase, mais bel et bien un camp de déportés. Et qu’ici, comme dans d’autres villes de France, il y eut des actes de bravoure et d’autres de xénophobie.
Plus haut, à l’intersection de la route des 7 Fonts et de la rue Jean Moulin, se tient le Monument du camp d’Agde. Bâti en pierre de basalte, il marque symboliquement l’entrée du camp et rend hommage à toutes les nationalités qui y vécurent.
Une place en hommage aux "Enfants d’Izieu"
Pour la mémoire, pour rendre hommage à ces enfants juifs morts dans le camp nazi d’Auschwitz, Agde a baptisé, le 24 octobre 1997, le parvis du collège René Cassin, situé à l’emplacement même du camp d’Agde, "Place des Enfants d’Izieu". La plaque commémorative qui y est désormais posée rappelle qu’"ici, des enfants juifs et tziganes furent internés par le régime de Vichy et ses complices de septembre 1940 à août 1942. 120 enfants juifs et 15 enfants tziganes furent sauvés de la déportation vers les camps nazis grâce au courage de Madame Sabine Zlatin*, "la dame d’Izieu", qui commença en 1942, au camp d’Agde, son œuvre de sauvetage des enfants promis à l’holocauste. En mémoire de tous les enfants qui ne sont jamais revenus des camps, nous n’oublierons pas".
* Madame Zlatin était infirmière au camp d’Agde. Elle réussira à sauver une centaine d’enfants juifs qu’elle cachera à Izieu, où son mari s’occupait d’une colonie d’enfants de l’Hérault. Elle doit son surnom, "la dame d’Izieu", à Serge Klarsfeld.